XIXe-XXIe siècles
-
Pour la distribution en France : www.sodis.fr
En Espagne, le développement de l’histoire des femmes, dans les années 1980, est contemporain des profonds changements qui ont affecté la sociét© après l’avènement de la démocratie. Aux lendemains de la Transition, les revendications féministes ont porté, tout particulièrement, sur l’accès au marché du travail et sur la reconnaissance de la contribution féminine à l’économie. Cete concomitance contribue à expliquer que l’attention des historiens se soit portée très tôt sur la place des femmes dans les activités de service et de production, qu’elles soient salariées ou pas. Sans doute l’heure n’est-elle pas encore au bilan, mais le dossier présenté dans ce numéro permet d’apprécier les progrès accomplis sur cette question. Plus qu’une évolution linéaire, c’est la variété des situations, la diversité des sources et les enjeux heuristiques de ce champ d’étude que les auteurs ont cherché à montrer.
-
-
A près de cent ans de distance, la littérature mais aussi le cinéma recommencent à interroger cet événement majeur du XXe siècle : on assisté ces derniers temps à une véritable (ré)appropriation de cette période, en particulier par des écrivains nés après 1945 et qui n'ont donc connu aucune guerre.
Malgré l'actualité incontestable de la problématique, la littérature s'inspirant de 14-18 restait à ce jour peu étudiée, même si les historiens ont interrogé les textes sur leur fidélité à l'histoire et sur les choix idéologiques. Des questions plus spécifiquement littéraires méritent toutefois également l'attention : l'intertextualité, les rapprochements avec les littératures étrangères, les liens avec d'autres formes artistiques, les rapports entre narration et description, les modes de représentation, la question du "réalisme" se dégagent ainsi comme axes de recherches importants, parmi d'autres.
Les études que nous publions ici font suite au colloque international co-organisé par l'Université de Gand et le musée In Flanders Fields, et qui s'est déroulé à Ypres et à la Villa Marguerite Yourcenar du 13 au 15 mars 2008. Qu'elles soient signées par des littéraires ou par des historiens, les analyses placent toutes les textes des ouvres au centre de leur interrogation.
Les contributions ont été regroupées à l'intérieur de cinq catégories, d'après l'accent central de chacune d'entre elles : écrire et témoigner, Romans de l'entre-deux-guerres, Regards croisés, Ecritures contemporaines, Littérature et images. L'ensemble est complété par la transcription des échanges qui ont réuni Gisèle Bienne, Didier Daeninckx, Roger Grenier, Xavier Hanotte, Jean Rouaud, Raoul Servais et Jean-Marc Turine.
-
Prolongeant le récit, paru en 2003, des deux cents ans d’histoire de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris, le présent ouvrage propose une étude complémentaire à caractère thématique fondée sur les travaux d’un colloque qui s’est tenu la même année.
La première partie traite de l’institution elle-même, principalement dans sa fonction de corps intermédiaire, mais aussi dans son organisation et dans son positionnement national. Les trois suivantes examinent les multiples activités de la Chambre autour de ses différents champs d’intervention : les hommes, avec la politique sociale et surtout la formation ; les entreprises, avec les prises de position sur la législation et sur la politique économiques, tout comme avec la mission d’information et de conseil ; les territoires, avec les actions de développement international et régional. Chacun de ces thèmes fait l’objet d’une série de communications qui fait alterner gros plans et visions panoramiques. Après quoi, une ou deux tables rondes réunissent acteurs et témoins pour éclairer le lien entre le passé analysé par les historiens et la période contemporaine que restituent ceux qui l’ont vécue.
Par la variété des sujets et des angles de vue, comme par la richesse des matériaux et des analyses, l’ouvrage offre ainsi à la fois de larges perspectives et la possibilité de satisfaire des curiosités plus ciblées. En tout état de cause, il montre concrètement comment, loin parfois des feux de l’actualité, un corps intermédiaire tel que la Chambre de commerce et d’industrie de Paris contribue dans la durée à l’action économique de la France.
-
En 1855, Maxime Du Camp publie Les Chants modernes, recueil de poèmes précédés d’une virulente préface qui revendique un nouveau statut pour la poésie et pour les arts en général : en phase avec le monde moderne et régénéré par la collaboration avec les sciences et l’industrie qui lui ouvrent des horizons nouveaux, l’art devrait s’extirper d’une léthargie malsaine entretenue par le ressassement des thèmes antiques et les ravages de l’art pour l’art. 1855 est aussi l’année de la première Exposition Universelle de Paris ; le succès de l’entreprise, l’engouement du public pour les créations de l’industrie, la désertion de l’exposition des beaux-arts au profit de l’annexe des machines alertent les artistes. Certains, à l’instar de Du Camp et des collaborateurs de la Revue de Paris dont il est le rédacteur, y voient l’occasion d’un renouvellement ; d’autres – Baudelaire, Ernest Renan, Leconte de Lisle – s’insurgent contre la contamination des domaines de l’esprit par ceux de la matière, et contre l’application sans discernement de la notion de progrès aux arts comme aux techniques.
Marta Caraion restitue le débat provoqué par Les Chants modernes et par l’Exposition Universelle au sujet des rapports entre arts, sciences et industrie, en rassemblant les textes d’une polémique qui apparaît comme une sorte de bilan du positionnement des intellectuels du milieu du XIXe siècle, à la veille de l’entrée en littérature d’un Zola ou d’un Jules Verne. Le noyau de cette controverse est la préface aux Chants modernes, intégralement reproduite ici et suivie par d’autres textes de Maxime Du Camp (ses «Chants de la matière», ses articles sur l’Exposition Universelle), mais aussi par des critiques de son livre (Gautier, Sainte-Beuve, Gustave Planche…), des réactions d’écrivains (Baudelaire, Louis Ménard, Leconte de Lisle, Ernest Renan, Victor de Laprade), et par les articles de la Revue de Paris dont les signatures sont moins célèbres (Louis de Cormenin, Achille Kauffmann, Hippolyte Castille). Entre romantisme et naturalisme, cet ensemble d’écrits constitue un épisode révélateur de l’histoire littéraire, tant dans la perspective des textes eux-mêmes que dans celle d’une étude de la situation de l’écrivain au XIXe siècle.
-
Depuis son apparition en 1829 dans un retentissant pamphlet de Henri de Latouche, la notion de «camaraderie littéraire» est devenue inséparable de l’histoire sociale du romantisme français. Les cénacles romantiques ont été soupçonnés l’un après l’autre d’élaborer collectivement des stratégies de solidarité pour fabriquer des gloires factices. La querelle de la camaraderie, loin d’être circonscrite aux préparatifs de la bataille d’Hernani, a agité toute l’époque romantique puis a été fréquemment relancée jusqu’à nos jours. Cet essai en expose les enjeux et en reconstitue les principales étapes.
Pourquoi le phénomène de la camaraderie a-t-il suscité une telle effervescence critique et mobilisé, pour en défendre ou en fustiger les principes et les effets, les plumes de Stendhal, de Balzac, de Hugo, d’Eugène Scribe ou de Sainte-Beuve ? Afin de répondre à cette question, Anthony Glinoer a intégré à son analyse de fond un grand nombre de pamphlets, préfaces, satires et romans qui en nourrissent le débat. Ces textes témoignent de l’intensité et de la diversité de la controverse entourant l’avènement du mouvement romantique. Ils font également valoir, sur le plan des discours, que le «sacre de l?écrivain» a coïncidé avec une collectivisation accrue de la vie littéraire : s’il se représente volontiers seul face à la foule, l’écrivain dépend désormais étroitement, dans sa quête de reconnaissance, de ses pairs réunis en cénacles, en académies ou en réseaux. La querelle de la camaraderie accompagne ainsi l’émergence du romantisme tout en interrogeant la structuration même du champ littéraire au XIXe siècle.
-
Quoiqu’il ait longtemps été défini par son indétermination, le roman est un genre fortement contraint, depuis ses origines, par l’exigence toute profane de se consacrer à l’imperfection humaine. S’inscrivant dans les marges des grands genres, l’épopée et la tragédie, il prend pour objet la dimension ordinaire de l’existence, souvent à travers des aventures amoureuses écrites dans un style qui tienne le milieu entre le sublime et le bas. En posant les jalons d’une nouvelle histoire du roman, Sylvie Thorel-Cailleteau montre comment prend forme cet art de la médiocrité, lié à l’exercice de la prose et dont les expressions varient : alors que, dans son acception classique, la médiocrité désignait la convenance de l’œuvre à un public choisi, elle tend par la suite à se confondre avec la vulgarité, sinon la trivialité, dont les romanciers du XIXe siècle tentaient d’extraire une saisissante beauté. Le genre romanesque a évolué jusqu’au point où son antique vocation de peindre ce qui est simplement humain le conduit à représenter la défaite des valeurs dont il se réclamait précédemment (l’amour, la vertu) et à montrer surtout notre condition mortelle. Au lieu de tisser ensemble des histoires consolantes, suivant l’ancienne formule, il en vient à dire exclusivement, ainsi dans les dernières œuvres de Beckett, l’élévation d’une voix funèbre.
-
«Ce livre, adopté presque aussitôt par la commission d’instruction publique pour les bibliothèques et les lycées, est curieux et rempli d’érudition. On peut le regarder comme un petit chef-d’oeuvre de la linguistique moderne. La préface qui le précède a été écrite avec ce goût délicat et ce style charmant qui caractérisent le talent de Charles Nodier. Il faut avouer pourtant que l’auteur va un peu trop loin lorsqu’il considère l’onomatopée comme la source unique de toutes les langues ; il aurait pu se borner à induire d’une grande quantité de mots que ce fut, à l’origine, une des sources les plus abondantes, mais à l’origine seulement. “L’onomatopée, dit-il, est le type des langues prononcées comme l’hiéroglyphe est le type des langues écrites. Ainsi, soit par des signes figurés, soit par des sons, l’homme en créant le langage a cherché à donner une idée de l’objet
qu’il avait en vue”. Cette base est solide, à condition qu’on ne l’élargisse pas indéfiniment. L’ouvrage de Nodier est plein de recherches et d’observations fines. Non seulement on y trouve toutes les onomatopées françaises, celles qui en ont le caractère indubitable, mais Nodier restitue ce caractère à une foule de mots qui l’avaient perdu par suite d’un long usage, et il le fait apercevoir dans une foule d’autres où il est moins marqué. Ainsi, il fait observer que les noms des principaux organes de la parole commencent en français par une articulation qui met en jeu l’organe même désigné : gosier commence
par une gutturale, langue par une linguale, dent par une dentale, nez par une nasale, etc. ; il y a là, en effet, une tendance imitative qui tient de l’onomatopée.»
(Pierre Larousse, Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, t. XI, 1874)
-
L’aura que la figure du médecin a acquise au XIXe siècle (l’homme de science y faisant office de nouveau prophète), participe d’une construction mythique moderne que le docteur Jean Martin Charcot a illustrée et promue comme d’autres avant lui. Les romans de la Salpêtrière expose en quoi la réception – tronquée et partisane – de l’œuvre du célèbre neurologue sert de point d’ancrage à l’image de la science diffractée dans la littérature fin de siècle. Bertrand Marquer interroge en effet comment, autour du réputé professeur, la pratique expérimentale et les discours sur l’hystérie ont influencé un imaginaire ; mais aussi quel rôle a joué l’action conjointe de l’idéologie, de la technique et de la rhétorique dans l’élaboration d’une représentation fantasmée du «maître de la Salpêtrière». De fait, la scénographie médicale dont le grand clinicien est le principal acteur a suscité moult échos esthétiques et littéraires. De nombreux romans reflètent la diversité des postures adoptées : le naturalisme anticlérical (Zola, Lemonnier, Claretie, Daudet) côtoie la fantasmagorie clinique (Maupassant, Mirbeau, Lermina, Lorrain, Rachilde), voire un mystère religieux renouvelé (Huysmans, Villiers de l’Isle-Adam). Exhumant une littérature aujourd’hui oubliée (Hennique, Nizet, Trézenik, Lesueur, Germain, Dubarry, Epheyre…), cet essai dégage les substrats éclairants qui ont nourri des œuvres désormais considérées comme «classiques».
-